retour de lecture : Le petit Lebanski de Stéphane Chamak.
- Virginie Riauté
- 12 juil. 2018
- 4 min de lecture
J’ai ouvert ce livre sans aucun préjugé, je ne connaissais pas l’auteur et donc aucun de ses livres.
J’avoue, j’ai craqué pour la couverture. Lorsque l’on ne connaît pas un auteur, elle a son importance. Et je l’ai gagné à un jeu ( ouais, je commence à gagner des trucs, pour une fois que c’est pas que des kilos... )
Le prologue démarre sur un souvenir ou un songe, on ne sait pas trop au début.
Dès les premiers couplets, la mélodie me murmure à l’oreille ses notes délicates . Un songe d’une telle sensibilité que l’émotion agit comme une onde de choc, j’ai des frissons sur les bras.
Je relis le prologue tant je le trouve bien écrit. C’est comme une visite au musée, accompagnée d’un guide passionné. Il vous décria un tableau, une sculpture: une main, un caillou poli, un geste. Soudain, on entrevoit le détail inaccessible à l’œil novice, il offrira une toute autre dimension à l’œuvre , le petit supplément d’âme que l’amateur pressé manquera sans aucun doute.
J’ai été touchée, touchée par une description, un rituel, touchée par une technique, la technique du ricochet…
Je termine ce prologue : «M. Chamak, prenez-moi la main et emmenez-moi moi avec vous… Et qu’importe l’histoire dirais-je ».
L’histoire, parlons-en, elle se situe 40 ans plus tard. Le petit Lebanski a bien grandi, enfin, façon de parler.
Il mesure 1,47 m, mais ce n’est pas un nain. Il n’en a pas les caractéristiques physiques et n’allez pas le chercher sur ce terrain, il est un peu tatillon sur le sujet.
Il mesure 2 cm de plus que les critères, ce qui lui permet de ne pas entrer dans cette catégorie.
2 cms, ça compte ( ce ne sont pas les lectrices qui me contrediront )
Et c’est justement en réponse à une vanne sur sa taille, que Lebanski va se retrouver dans une histoire menée tambour battant.
- Quatre jours pour reprendre le cours normal de sa vie
- Quatre jours pour décrocher le pactole
- Quatre jours pour dénouer intrigues et énigmes
- Quatre jours pour comprendre l’essence d’un passé enfui sous le poids des années et des non-dits.
Ce roman s’est présenté comme un merveilleux millefeuille (mon gâteau préféré juste derrière le Paris Brest).
J’ai un rituel pour le déguster, je le croque, par tranche horizontale. D’abord la pâte feuilletée et sa couche de sucre qui m’ouvrent l’appétit, puis l’épaisse crème pâtissière, enfin le dernier niveau identique au deuxième pour deux fois plus de plaisir.
Ce roman est aussi gourmand. Il est composé de 3 histoires, les unes en rapport avec les autres, 3 couches écrites dans 3 genres différents.
Évidemment, dans l’une d’elle, on colle aux basques du petit Lebanski et à sa bande.
On rit plus d’une fois à son langage fleuri. Le style est punchy, rythmé, effronté, ça tire à vue, les reparties sont excellentes. J’ai souvent pensé à Snatch de Guy Ritchie.
Les références pop culture sont d’ailleurs très nombreuses et m’ont toutes parlée : des musiques aux marques de guitare, des répliques de films aux métaphores, on se sent connecter à l’auteur par ce fil conducteur et cela rajoute beaucoup de charme à une connivence déjà bien installée.
Vous en apprendrez de belles sur Farid, toujours accompagné de Pacino, son fidèle perroquet cynophile et ses boulots improbables. Vous rigolerez un bon coup avec Milos dit «La Trique », délicieusement...gonflées, les vannes.
Mesdames , vous jalouserez la cambrure d’Imani la Keyniane et son argot approximatif trop sexy.
Les personnages emblématiques haut en couleur sont un brin caricaturaux mais ils compensent des protagonistes bien plus sombres et taiseux qui posent un voile de pudeur dramatique sur le roman.
Parce qu’il y a Ragnar. Ragnar c’est le Leon de Besson, le nettoyeur, le pro.
Dès qu’il est apparu dans l’histoire, j’ai tout de suite ressenti pour ce balafré de la vie et de la gueule une sorte d’empathie peu commune.
Cette tronche cassée n’est pas lisse, c’est le moins que l’on puisse dire et j’ai eu immédiatement envie de creuser son parcours, d’en savoir davantage. Après tout, ne sont-ce pas les âmes torturées qui font battre le cœur des filles un peu plus vite ?
L’auteur a exaucé mon souhait. Chaque chapitre le concernant est alors écrit dans un style nouveau, plus posé, plus sobre. Une sorte de souffrance, de drame est suggéré et dévoilé peu à peu grâce à une plume précise qui nous happe. Elle bouleversera sûrement les plus sensibles.
Et puis il y a ce troisième niveau... j’ai eu un plaisir sans cesse renouvelé à chaque chapitre tant ils étaient bien écrits. Ces parenthèses oniriques, écrites en italique, teintées de mystères sont absolument divines.
Évidemment, c’est trois parties convergent et le voile tombera. Toutes les questions trouveront leur réponse logique, crédible, touchante. La fin est belle, sobre, comme la couverture de ce très beau bouquin.
Je me permettrai d’ajouter une seule remarque qui pourrait servir à améliorer encore le récit. Le petit truc en moins pour obtenir un truc en plus.
Elle concerne les figures de style.
L’auteur pèche par gourmandise ( mais n’est-ce pas le péché le plus toléré ? )
et utilise à grand renfort les comparaisons. La conjonction « comme » est très, trop souvent présente. Je chipote mais qui peut le plus peut le moins non.
Que dire de plus, si ce n’est que Stéphane Chamak a écrit 6 recueils de nouvelles et que c’est son deuxième roman. J’espère y trouver autant de surprises et de belles émotions.
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