À chaque fois que je lis un roman de Cetro, derrière, c’est la panne de lecture sèche...
Il me faut du lourd pour repartir, un truc qui me mette une gifle, une lecture efficace, intelligente.
J’ai un remède. Parce qu’il me soigne et me remet toujours en selle, parce qu’il a l’art et la manière de me flanquer des émotions et et de m’inciter à des réflexions assez saugrenues de surcroit, j’ai toujours une nouvelle de Fred Soulier à portée de main.
Avec cette petite dernière, je tombe une nouvelle fois sur mon séant, c’est brillant et très original... ouais, du jamais vu.
Construite d’une succession de témoignages et interviews, j’apprécie d’emblée la puissance des monologues, taillés au laser. Le ton, le vocabulaire adaptés aux protagonistes, les interviews s’enchaînent, laconiques, je reconnais la plume acrobatique de l’auteur. Que c’est plaisant et ingénieux !
Je me régale des envolées lyriques du membres du RAID et des borborygmes verbaux d’Angot, quant au clin d’œil aux apôtres et à la Cène version spatiale, très malin !
Mais ce qui m’a fascinée, oui oui, fascinée, c’est la manipulation psychologique subie au travers cette expérience sociologique. Tel un cobaye innocent, j’ai sauté les deux pieds dedans.
De nature plutôt entière, assez tranchée dans mes opinions, limite « achromatope », j’ai plutôt du mal à faire dans la nuance de couleurs, surtout lorsqu’il s’agit d’un sujet qui me passionne...
Curieusement, mon opinion devant ce mi-dieu, mi-monstre qui manque certes de discernement, n’a jamais cessé d’évoluer, et je n’ai eu de cesse de juger; cela m’a mise mal à l’aise.
J’aime assez être bousculée dans mes réflexions, me remettre en question. Avec Soulier, j’y trouve toujours mon compte.
Je serais sans doute une piètre jurée, pétrie de convictions à la con qui s’effeuilleraient au fur et à mesure du procès...une pauvre girouette !
Du très bon Fred Soulier, une nouvelle fois, qui dérange, ébranle mes certitudes, se joue un peu de moi... Tout ce que j’aime dans une lecture.
J’aurais juste souhaité qu’elle ne se termine pas aussi brutalement, mais je deviens très difficile, je dois l’avouer, parce que tout est si bon dans ce cochon.
Et mention spéciale pour cette couv à fond dans les codes des Comics de ma jeunesse !