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  • Photo du rédacteurVirginie Riauté

retour de lecture : Ceux qui ne renonçaient pas de Luca Tahtieazym


Romain vient de me raconter une partie de son histoire. Je suis resté suspendue à ses lèvres tout du long.

Une quarantaine d’années à la louche. Certaines pages de sa vie pesaient une tonne.

Tout a commencé dans les années 60.

Il vivait avec sa famille terne, dans une maison terne. Ses amis étaient ternes, son statut à l’école, aussi élevé qu’un petit clebs qui fait le beau pour obtenir une gâterie. Romain était petit, chétif, pleutre, un bon gars pourtant. Mais il était invisible, spectateur lypémanique d’une vie sans stimulis. Un Gris.

Une vie qui glissait comme le sable entre les doigts, rien à conserver.

Il rêvait de grandeur, de clinquant. Il voulait devenir quelqu’un, être important. Il voulait qu’on le respecte, qu’on l’admire, qu’on le voie tout simplement.

A 16 ans, une «opportunité » va lui permettre de rejoindre un clan de voyous notoires, craint par tous les élèves du lycée qu’ils rackettent sans vergogne.

Une « bavure », un « excès », un événement pourtant prémédité va anéantir tous ses projets et l’empêcher de se construire en tant qu’homme. Quand culpabilité et Miss Fatalité s’en mêlent, on passe toujours par le tiroir caisse et on paye son tribut pour quelques instants de bonheur volés à la dame à la faux et à ses sbires...L’histoire peut alors commencer.

Quel livre ! Mais quel bouquin ! J’en suis encore toute retournée ! Quel orateur ce Romain !

Quelques événements politiques, économiques et sociaux en toile de fond, m’ont permis de me situer dans le temps mais juste en fond d’écran car là, n’est pas l’essentiel.

L’essence de ce récit se situe autour des personnages et de leurs complexités.

C’est la 1ère fois que je ressens autant de sentiments ambivalents pour TOUS les personnages, mise à part Elise que j’ai aimée pour sa constance, la seule qui reste fidèle à elle-même, la véritable héroïne de ce récit. La plus forte, celle qui apporte la lumière, le phare dans la tourmente...

C’est Romain qui m’a donné le plus de fil à retordre. Parfois agacée par son flegme et sa renonciation, j’ai pourtant pleuré avec lui, je ne l’ai pas lâché d’une semelle, parce que j’ai cru en lui.

Ce Gris avait bien des nuances et était bien plus complexe qu’il n’y paraissait.

Luca a un réel talent pour décrypter les comportements de ses personnages et leurs évolutions. Aucun n’est totalement détestables ou admirables. La réflexion est très aboutie, pesée, tout est réfléchi, consciencieux, rigoureux, on devine une multitude de nuances dans cette palette de gris.J’y ai trouvé beaucoup de reliefs et d’aspérités. Les personnages sont complexes comme la vie. Il n’y a pas que d’un côté les agneaux et de l’autre, les loups.

L’autre force de ce roman réside dans l’écriture et la description des sentiments et des émotions.

Luca, tu m’as portée si haut. Tes allégories étaient puissantes mais sans emphase, jamais. Tes métaphores m’ont pris les tripes. Que les tableaux soient sombres, teintés de détresse et de désespoir ou qu’ils soient colorés, gorgés d’amour, de bonheur et d’allégresse, j’ai souvent été touchée par la grâce, par cette plume si maîtrisée qu’il m’est arrivé de chialer, ma madeleine de Proust coincée au fond de la gorge.

Curieusement ce ne sont pas uniquement les passages semés de chagrin qui m’ont émue mais également ces petits moments de bonheur ineffables, volés à la fatalité, ces petits moments de joies simples, de félicité et de pudeur.

J’ai ressenti toute la culpabilité de Romain également, comme si j’étais intimement liée à ses pensées. Celle qui cloisonne tout, celle qui nous ronge de l’intérieur comme un putain de cancer, une mort lente assurément.

Vous l’aurez compris, j’ai aimé cette histoire, j’ai aimé ses personnages, j’ai aimé la force de frappe dans l’écriture de Luca, j’aime beaucoup Luca c’est vrai, son humour parsemé de ci de là dans ce livre également, sa pudeur, sa singularité ( vous verrez que le livre est construit d’une manière originale aussi ), Luca...

J’ai aimé comme il m’arrive peu d’aimer dans un livre. Il n’y a que peu d’auteurs qui peuvent s’en targuer, vous les connaissez...

J’espère vous avoir donné envie de lire ce livre. Il est magnifique !

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