top of page
Rechercher
  • Photo du rédacteurVirginie Riauté

retour de lecture : galeries de frédéric soulier


Je suis sonnée, groggy mais pas abasourdie: je savais que la dernière nouvelle de Fred Soulier, Galeries allait me bousculer.

Pire ( ou mieux ) que cela, j'ai une boule dans la gorge et une autre me plombe l'estomac.

Oui, je sais, c'est une fiction, oui, je sais, je suis une éponge, mais les confidences de ce petit vieux sont si palpables, ses confessions si douloureuses, sans épanchements exacerbés, que le poids de sa conscience m'a pesé comme une chape de plomb. Il a partagé sa geôle, mais il en a pris pour perpette, le bougre.

Le récit vous happe dès les premières lignes, c'est ce qu'il faut dans une nouvelle de moins de 20000 mots. Sur le ton de la confidence, un petit vieux témoigne dans une lettre posthume à l'attention de ses enfants, d'un drame vécu 70 ans auparavant, alors qu'il était jeune sous-marinier dans la Kriegsmarine. La tension est de suite prégnante, le stress anxiogène mais je devine déjà une fin tragique.

Encore une fois dans les nouvelles de Fred Soulier, le lieu, une bête humaine abyssal, sert de décor, de toile de fond, pour décrire l'ambiguïté, la complexité de l'âme des hommes au travers 48 soldats détenus à plus de 200 mètres de profondeur.

Asservissement, libre-arbitre, culpabilité, rédemption, autant de sujets qui vont bousculer votre conscience.

Je n'oublie pas les notes de l'auteur en préambule de la nouvelle : " Ce récit est inspiré par une expérience personnelle." et je m'interroge : Expérience de Milgram, harcèlement, moutons de Panurge, sarcoptes, morbacs ? J'aimerais que l'auteur m'en dise un peu plus. (Oui, je suis curieuse aussi, et alors, il me tend la perche )

Je finirai par sa plume qui m'a semblé encore plus effarante ( pas dans le sens de qui provoque de la stupeur, hein, mais qui atteint un degré extrême ). Le sens du rythme, les métaphores, souvent amenées par des expressions ou mots inusités, sont de véritables torpilles dans le récit, les fulgurances atteignent systématiquement leur cible. On ressent aussi tout le boulot de recherche qu'il y a eu en amont. Un vrai vaisseau de guerre ce Soulier, il est bon, punaise ! Quel esthétisme !

Si je dois chipoter, juste quelques répétions qui auraient pu être évitées en début de récit, ainsi que "quelques métaphores parfois redondantes, en tout cas, c'est ce qui m'a semblé, peut-être parce que j'ai lu le texte d'une seule traite.

Extraits : Dans ce contexte, tous les rapports humains étaient exacerbés. Les entrailles du U-123 semblaient remplis de poudre à canon ou de vapeurs inflammables, qu'une étincelle d'humeur, la plus légère friction, suffisait à faire exploser."

" Une rumeur commença de se répandre, sournoise, imbécile, comme toutes les rumeurs salopes. Dans cet espace exigu, elle ricochait d'un homme à l'autre et parcourut le navire en quelques minutes."

"Et les sarcoptes, eux, continuaient de nous dévorer vivants, et à chier et baiser et mourir en nous et je les enviais de ne connaître ni l'ennui ni la haine ni l'amour ni la peur de la mort et de l'échec. Leur salive et leurs excréments me démangeaient jusque dans le trou du cul, que je me fourrageais du doigt à me faire saigner le rectum, et j'aurais tué, oui, tué, pour que cela s'arrête, ces milliers de coups d'épingles. J'étais Verdun. J'étais une mine, une boule de souffrance et de haine."

0 vue0 commentaire
bottom of page